Henri Vidal, le curé rebelle de Portes

(d'après les textes de Claude Meynadier)

Les compagnies minières de la Concession de Portes ont multiplié les galeries d’extraction du charbon sous le village. Les maisons du vieux village de Portes se lézardent, s’écroulent…

Entre 1920 et 1926, les compagnies ont commencé à racheter des maisons pour éviter un relogement de la population et, regroupées en "Consortium", vont proposer des solutions radicales, moins coûteuses : raser le village, déplacer la population dans les villages voisins…

Henri Vidal, le curé, se dresse pour résister à la disparition du village, de son histoire :

"…100 familles déracinées et expulsées du pays de leurs ancêtres, un sol desséché, d’où l’on ne tirera plus que des piquets de mine ou des planches de cercueil. Et cela pour la petite satisfaction de quelques capitalistes de Marseille ou de Paris…".

 

* 19 août 1928 : plus d’eau à la fontaine du village ! Plus d’eau dans les puits privés ! Le bassin de captation d’eau fissuré est irréparable… Certains villageois abandonnent et fuientLa colère du curé explose.

* 6 novembre :  "Il faut sortir du territoire de Portes ! Ou pas de travail !". Et voilà dans quel piège est tombé tout un peuple de 60 familles, naturellement confiant dans la bonté des patrons… et qui jouait de la trompette pour chanter leur générosité !

* 7 novembre : l’abbé Vidal inscrit sur le registre  des réclamations déposé en mairie un long texte qui doit être examiné par la commission mise en place par le sous-préfet le lendemain…

"Je soussigné Curé de Portes… Les familles sont mises en demeure de quitter le territoire de la Commune. Et même d’en prendre l’engagement signé pour s’épargner leur "mise en quinzaine" et le refus de travail… Défense de prendre un logement chez le propriétaire voisin !...  Défense de réintégrer la maison de campagne !... Défense de prendre pension à l’hôtel… Il est donc vain pour la commission de visiter les maisons dont l’évacuation est décidée… Les compagnies ont elles le droit de faire évacuer le pays ?... Le droit de disposer de la Société Publique qu’est la cité ? De la supprimer par la dispersion de ses habitants ? De cette alternative de force : "Partez ! Ou pas de travail !".

 

> Dès 1929, les cités ouvrières voient le jour. Au loin, le château.


> Le vieux Portes, aujourd’hui disparu, devant le château.

* 8 novembre : Mr Chabrol, ingénieur des mines, l’homme fort de la commission, frappe sur la table en hurlant que rien ne les empêchera de passer et que s’il le faut ils fermeront la mine…

* 12 novembre : Henri Vidal déclare au journal du Midi : "Il n’y a pas de paix sans justice ! Et si l’administration veut la paix son premier devoir est la réintégration des familles dans les logements d’où elles ont été expulsées. Et nous tiendrons jusqu’au bout !".

* 15 novembre : La tension monte. Le maire et le Conseil Municipal démissionnent… "Mr le maire de Portes, par suite de la manœuvre honteuse des Compagnies des mines, en renvoyant déjà 10 ouvriers et signifiant à une autre partie des habitants d’avoir à chercher des logements en dehors du village pour le mettre en état de mort (…) donnent leur démission".

* 27 novembre :  les conditions de "l’Armistice" - Le maire donne la parole au curé :

1/ Réintégration des ouvriers mis en quinzaine.

2/ Entretenir des maisons jusqu’au moment où des maisons suffisantes seront rebâties.

3/ Reconstruction du village dans son intégralité primitive. Assez de casernes… !

* 5-6 décembre : "Plus d’eau… !"… Pour les fêtes de la Sainte Barbe, il sera obligatoire de boire le vin pur et de faire la soupe avec de la piquette… Les femmes de Portes  seront condamnées à aller laver au Chambon, à Chamborigaud…

 

 

Une commission de 16 membres vient d’être créée par le Gouvernement pour prendre en main la reconstruction de Portes… Le maire a présenté, conformément au vœu unanime de la population, le Curé comme membre mais les compagnies s’opposent à ce choix…

"Des maisons ! De l’eau… !" : les compagnies ont été mises en demeure par les pouvoirs publics de fermer la mine ou de construire un village ailleurs…

On a voté… pour la seconde alternative.

Aux habitants invités à se disperser, un conseil est donné : "Ne partez pas !".

 

"Portes-les-casernes"tel est le nom que, désormais, il faudra donner à cet ensemble de constructions édifiées en remplacement de la bourgade de Portes qui, dans 5 ans, ne sera plus qu’un monceau de ruines…

Henri Vidal sera élu maire de Portes, le 19 mai 1929, à 14h.

Votants : 12

Blancs : 1

Vidal : 10 voix !

Il représentera la commune à la commission tripartite chargée du village.

En fidélisant environ 150 personnes, Henri Vidal, le curé rebelle de Portes a gagné son pari !


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