Un chemin, une histoire...

Chemin de marchands et de muletiers

Les "Régourdans" portent draps, vin, sel et autres marchandises depuis le Languedoc jusqu'au Puy, par cette voie millénaire de transhumance et d'échanges, bordée de dolmens, d'inscriptions rupestres, de messages encore mystérieux.

 

Chemin sacré

Les pèlerins se rendent vers le tombeau de Saint Gilles ou vers la vierge noire du Puy par la Régordane, connectée aux chemins de Saint Jacques de Compostelle par la via Podiensis (GR65, au Puy-en-Velay) et la via Tolosana (GR653, à Saint-Gilles). La voie est ponctuée de sites sacrés et jalonnée d'une chaîne d'hôpitaux et maladreries dont Pradelles conserve l'un des quatre derniers vestiges encore debout en Europe.

Nombreux sont aussi ceux qui empruntent la voie pour préparer la première croisade : le pape Urbain V, Adhémar de Monteils, évêque du Puy-en-Velay et légat du pape ou encore Raymond de Saint Gilles.

... mais aussi chemin épique. Route des Arvernes empruntée par César pour traverser les Cévennes ou encore théâtre des exploits de Guillaume d'Orange délivrant Nîmes des Sarrasins, relatés dans l'une des plus anciennes chansons de Geste, le Charroi de Nîmes.

L'itinéraire est surtout au cœur des grands mouvements de l'histoire médiévale.

 

Chemin de contes

C'est aussi en parcourant la voie que le randonneur marchera dans les pas de plusieurs écrivains.

 

Chemin de libertés

Le chemin porte les remises en causes successives de l'Eglise romaine : arianisme, catharisme, protestantisme ; ou encore les luttes pour la Liberté de conscience et des Droits de l'Homme, avec Rabaut Saint Etienne, pasteur Nîmois et le marquis de Lafayette. Sans oublier les luttes des Camisards ou celles plus récentes des résistants pendant la seconde guerre mondiale et des mineurs cévenols, à la conquêtes de droits sociaux.

Retrouvez les Récits de Régordane : Alphonse Daudet, Sergueï Prokofiev, Jouany du Désert...


Depuis la préhistoire

À l’origine

Les temps géologiques ont créé les conditions pour une circulation entre l’Auvergne la Méditerranée.

La faille de Villefort, repérable de Luc à Alès, est une faille remarquable, dislocation longitu-dinale nord-sud qui ouvre des cols et creuse des vallées faisant jaillir des sources.

Un tracé naturel suivi par les troupeaux sauvages au cours de leurs migrations saisonnières puis par les premiers hommes...

La route des Arvernes

"À l’époque romaine et au Moyen Âge, il existait des voies de navigations intérieures et l’accès à la mer se faisait par le réseau des bras du petit Rhône et des étangs...".

Au cours de l’histoire, un tracé se constitue progressivement…

Raccordement de chemins de diverses origines, drailles primitives, parcours de transhumance, chemins muletiers, voies romaines par fragments…

Route des Arvernes, entre Nîmes, le pays Gabales et l’oppidum gaulois de Gergovie, César l’emprunte en plein hiver pour franchir les Cévennes.

Au Ve siècle av. J-C, une voie passant par Alès se dirige vers le Massif-Central et l’oppidum de l’Ermitage se développe.

La notoriété médiévale

Un itinéraire "stratégique"

Par le traité de Verdun au IXe siècle, la vallée du Rhône appartient à L’Empire germanique... L’itinéraire devient Route de l’Île de France au Bas-Languedoc, Chemin français.

Le passage par la Régordane, située à l’Est du Royaume de France, est le plus court pour rejoindre le port de Saint-Gilles ouvert sur la Méditerranée.


L'ordre des bénédictins

Vers l’an mil, l’ordre très puissant des bénédictins s’établit sur l’itinéraire.

Les bénédictins mêlent étroitement vie spirituelle et travail.

À partir de grandes abbayes gérées comme de véritables entreprises, ils vont introduire de nouvelles techniques, développer les parcours transhumance, les échanges commerciaux...

En savoir plus.

Voie de commerce

Depuis le port de Saint-Gilles les caravanes muletières transportent vers l’Auvergne et les grandes foires de Champagne, le sel, les produits du midi vins, huile d’olive… et ceux venus d’orient, épices, poivre, girofle, cannelle, encens…

De l’Auvergne descendent grains, fromages, produits de la montagne…

"Le port de Saint-Gilles accède au fleuve, à la mer, aux canaux, sa foire de septembre, antérieurement à celles de Champagne, est le point de rencontre des méditerranéens et des nordiques, la haute banque s’y est installée en la personne des Hospitaliers, première fondation en Europe et des Templiers...". É. Le Roy Ladurie

Les métiers liés à la circulation se développent au long de l’itinéraire : marchands, muletiers, maréchaux, bâtiers, et hostelleries, auberges, tavernes…

Villages et hameaux s’étendent, les taxes et les péages aussi.

La chanson de Geste

Chemin d’une chanson de geste du XIIe siècle, le Charroi de Nîmes.

"Les jongleurs eux aussi accompagnaient les pèlerins. On les rencontrait auprès de tous les sanctuaires, de toutes les abbayes qui attiraient les foules…" E. Mâle.

Le récit légendaire du Charroi de Nîmes nous conte comment Guillaume de Gellone s’empara de Nîmes occupée par les sarrasins. "Tôt le chemin de Saint-Gilles tenés" indique Guillaume à sa troupe (Brioude, Le Puy, Ricordane, Alès, Vézénobres, La-Calmette, les carrières de Barutel, Nîmes).

Le poème dont 8 manuscrits sont conservés, fait partie du précieux patrimoine médiéval des chansons de geste. C’est l’un des plus beaux et plus anciens texte du cycle de Guillaume d’Orange qui fait toujours l’objet de nombreuses recherches universitaires en France et à l’étranger.


Pèlerinage

Le chemin proposé au voyageur, marchand ou pèlerin reliait toujours les grands sanctuaires entre eux.

Les pèlerinages ont débuté vers le IVe siècle en direction de Rome, Jérusalem. Au Moyen Âge, ils prennent une ampleur immense avec le développement du culte des saints.

(Crédit photo B.Trouillet - St Gilles)

La Vierge Noire

Le Puy-Anis montagne sacrée, la "pierre aux fièvres" et sanctuaire marial avec le culte de la Vierge noire aux origines mystérieuses.

Avec la cathédrale, "les pèlerinages s’y succédaient, attirant au coeur de la France, dans ce cadre extraordinaire de roches volcaniques, des files interminables où se mêlaient les gens de tous les états, serfs, moines, seigneurs ou prélats, pieds nus et cierges à la main" - Régine Pernoud.

(Crédit photo Office de Tourisme Le Puy en Velay)

Saint Gilles du Gard

"Le Chemin de Saint-Gilles est donné vers le milieu du XIe siècle comme un des plus grands pèlerinages de l’occident chrétien, troisième ou quatrième après Jérusalem, Rome et Saint-Jacques" - Marcel Girault

(Crédit photo B.Trouillet - St Gilles)


La première croisade

Le Pape Urbain II, Raymond IV comte de Saint-Gilles, Adhémar de Monteil, évêque du Puy, Raymond Pelet d’Alès, Eustache d’Agrain des Hubas, seigneur de Luc, préparent activement la première croisade le long de l’itinéraire

Urbain II prêche au Puy, à Nîmes où il tient un concile, et à Saint-Gilles. De Clermont-Ferrand, l’appel aux conséquences infinies est lancé : Dieu le veut !…

Le Pape désigne l’Évêque du Puy pour conduire l’expédition.

Un château et une fontaine portent le nom de Régordane à côté de Saint-Jean-d’Acre…

La fin du port de Saint Gilles du Gard

XIIIe siècle

Par le traité de Paris, la vallée du Rhône appartient au Royaume de France.

Progressivement tout va privilégier la circulation par cet axe, la Régordane sera délaissée et le pouvoir central s’en désintéressera.

Saint-Gilles, port très actif au XIIe siècle, est en plein déclin, n’étant plus en eau libre, Louis IX va bientôt décider la création d’un port royal sur la Méditerranée, ce sera Aigues-Mortes.

Le pèlerinage, lié directement au sort de la ville et du port, perd peu à peu de son importance au profit de celui de Rocamadour.

Au XIVe, les évènements liés à la guerre de cent ans et l’insécurité sur la route vont accélérer la ruine de l’itinéraire (Jacques Le Goff, Saint-Louis).

1668 – La Visitation du Chemin de Régordane.

il était nécessaire de rétablir le chemin fait par les romains, appelé Régordane.

Le pouvoir central s’aperçoit que les difficultés de circulation par le Massif Central nuisent  à l’économie de la France…

Les sujets de sa majesté recevraient beaucoup de profit et d’utilité pour le débit de leurs marchandises. Les transports seraient beaucoup abrégés et se feraient à moins de temps et à meilleur prix par charroy qu’elle se fait par mulets et par la vallée du Rhône, sur laquelle les péages sont excessifs et la perte de bateaux fréquente…